- Je suis pas ton ennemi, tu sais. 

Audrey hoche timidement la tête. 

- Si tu as besoin d'aide pour les prochains examens, n'hésite pas à passer me voir. Rien n'est irrattrapable. Et je sais que tu es douée. 

- Vous allez pas me forcer à démissionner, hein ? demande-t-elle d'une voix tremblante. 

Romain secoue la tête.

- Et t'enfoncer encore plus ? Jamais. 

Le regarde d'Audrey s'illumine. 

- Merci, monsieur... 

- Romain, la corrige-t-il. C'est moins vieillot.

Elle hoche la tête en souriant.

- Romain. 

- Tu peux aller rejoindre ton amie, les cours reprennent dans trente minutes. 

Audrey se lève.

- Merci de comprendre... répète-t-elle. J'avais tellement peur que... 

- C'est mon métier.  

- Oui... merci... 

Elle lui accorde un dernier regard avant de quitter la pièce. 

- Oh, c'était rien, m'explique-t-elle en riant nerveusement. À propos de ma copie... 

- Ah, je vois. 

J'ai plus le courage de parler de lui. On dirait que j'ai honte, que j'ose pas le dire... ça me hante. Pourtant, je devrais pas. Je suis pas responsable de ce qui est arrivé. Et au final, même si j'en fais tout un plat, c'est qu'un baiser... 

Je fais un sourire crispé. Elle m'imite. 

- J'ai eu zéro, avoue-t-elle. J'ai rien écrit... et euh... je pense que ça l'a inquiété... 

- Mais c'est réglé, conclut-elle avec un enthousiasme forcé. La prochaine fois, j'étudierai... 

J'hoche la tête. 

Nathan me hante. Mon cœur bat ; non, il déraille. Je revois la scène en boucle. Lui, moi... lui, moi... nous... ses lèvres... lui, moi... nous... 

... je suis un monstre. 

- Oh tiens, une blonde ! lançais-je à la blague pour changer de sujet. Coucou Kamélia !

Je lui fais signe. 

- Pas le temps, répond-t-elle froidement en accélérant le pas. Désolée. 

- Que...

Bouche-bée, je la regarde s'éloigner en direction de la porte. J'ai fait quelque chose de mal ? Elle pourrait pas être au courant, si... ? 

Elle pousse la porte avec empressement ; ou alors avec désespoir, qui sait. Ses iris cherchent frénétiquement, fouillant chaque recoin du hall. Mais il n'y est pas.

Elle serre les poings, déterminée à trouver l'objet de sa quête. Mais où est-il ? En classe ? Non, Audrey est à l'extérieur, et Katia aussi...

Alors... ?

Elle monte les marches à toute vitesse. 

Et lorsqu'elle débouche enfin sur le toit, elle se fige. 

Deuxième jour d'école et déjà une conquête ? Génial. 

- Dylan ! hurle-t-elle sans contenir sa colère. 

Le garçon regarde Kamélia sans trop comprendre. 

- Euh... salut ? Ça va pas ?

- C'est quoi cette histoire de fiançailles ?! s'écrie Kamélia. 

- Hein ?

- T'as intérêt à dire à ta mère de tout annuler ! Il est hors de question que je me marie avec toi !

Sabrina se lève, furibonde. 

- Non mais pour qui tu te prend, blondasse ?! Retourne jouer avec tes barbies et laisse Dylan tranquille ! J'y crois pas, s'imaginer de tels scénarios... ! T'as quel âge ?! Douze ans ?

- Ta gueule ! s'emporte Kamélia, tremblante de rage. Sois gentille et reste en dehors de tout ça !

- Arrêtez ! s'énerve Dylan. J'y comprend plus rien ! 

- Elle mytho ! insiste Sabrina. C'est qu'une petite fille en manque d'a... 

- Sabrina ! la coupe-t-il. Merde, quoi !

Kamélia prend une grande inspiration.

- Pardon, je me suis emportée. Je devine donc que tu n'étais pas au courant...

- Au courant de quoi ?

- Nos fiançailles.

Dylan la regarde avec de gros yeux.

- Eh ?! Depuis quand ?! Pourquoi ?! Eh ?!

- Demande à ta mère. Paraît que c'est son idée... 

- C'est mignon, commente-t-elle avec un sourire satisfait. Les tentatives désespérées d'une gamine... non mais tu te crois où, blondasse ? Dans un Disney ?

- Je t'ai pas sonnée ! 

- C'est vrai, Kamé ? demande-t-il avec inquiétude. Tu mens pas ? 

- À ton avis... ? J'aime Mat, Dylan... et ta mère veut foutre ma vie en l'air... tu crois que je suis d'humeur à rigoler ? 

- Merde... 

- Non mais arrête, tu vois bien que c'est qu'une groupie ! insiste Sabrina. On est plus au moyen-âge, Dylan... réveille-toi !

- Et toi, tu sors d'où ? s'énerve Kamélia. De Fraiseville ? C'est mignon ! Mademoiselle croit déjà tout comprendre d'Orangeville ! 

Sabrina la foudroie du regard. 

- Attend... Dylan ?! C'est vrai ?! Qu'est ce que ça signifie ?! Je pensais que nous... c'était... enfin, tu vois... sérieux ! Tu peux pas me faire ça !

- C'est triste la vie, hein, Sabrina ? marmonne Kamélia d'un ton las. Moi aussi, j'aime quelqu'un... je l'aime à la folie, même. Mais j'ai plus le droit de l'aimer... tu sais pourquoi ? Parce que l'Empire Aubry a eu envie de s'étendre, et que je fais partie des plans. Mais toi, ma chère Sabrina, t'as aucune valeur pour eux. Ils voudront pas toi. T'as pas de passé, ni de futur... ni de famille influente... 

- Arrête de te moquer de moi ! s'énerve-t-elle. Dylan ! Dis quelque chose !

- Elle a osé... murmure-t-il, le regard vague. Maman a osé... 

- Dylan ! s'écrie Sabrina. Dylan !

- Je dois lui parler... ce soir, oui... je vais tout arranger...

- Dylan ! Tu m'aimes, non ?! Alors dis-moi que... 

- Pardon, Sabrina. Je suis pas le type cool que tu pensais connaître. Je suis nul... en tout. Je suis qu'un pion. M'man a compris que j'avais pas de futur, alors elle tente de me caser avec une fille de bonne famille...