Coucou, moi c'est Katia ! Oui, moi, la rouquine avec l'uniforme tout moche. Comment ça, il est pas moche ? Tous les enfants de la ville se moquent de moi parce que ma famille, bah... euh... elle est tellement naze qu'elle m'envoie au privé. Mes cousins disent que le veston ça me va pas. Je les crois. Ils ont raison. Je préférerais m'habiller comme tous les autres ; au moins, je sortirais pas du lot. 

À droite, c'est mon frère jumeau, Dylan. Il a été chanceux. Avec ses mauvaises notes, le vieux directeur tout moche de l'école privée il a pas voulu de lui. Je suis jalouse. Mais maman aime bien le directeur. Un peu trop, je crois. Lorsqu'il est venu manger à la maison, elle lui a dit qu'il était un homme séduisant et elle l'a entraîné dans le jacuzzi.

Moi, j'ai pas le droit d'aller dans le jacuzzi. 

C'est pas juste !

Mais allez pas croire que je suis un génie parce que je vais au privé ! J'suis un peu moins tête en l'air que Dylan, mais j'arrive pas à avoir en haut de 10/20. Maman dit que j'arriverai jamais à rien si j'obtiens pas mieux. Vous croyez que c'est vrai ? 

J'ai peur de pas réussir à avoir de bonnes notes alors je fais mes devoirs avec Dylan. Oui, nos manteaux sont pareils... c'est un caprice de maman. Elle dit que des jumeaux c'est fait pour être pareils, mais comme on se ressemble pas, elle aime nous habiller avec les mêmes choses. 

J'aime pas le vert.

Quand j'en porte, mes cheveux paraissent plus. Ils sont bizarres. Je suis la seule du quartier à les avoir comme ça et je les déteste. 

Lui, c'est Nicolas, mon grand-frère. Me demandez pas pourquoi il s'habille comme ça. Papa, lui, il dit que c'est un délire d'ados et qu'il redeviendra normal plus tard. Les ados sont nuls. Ils aiment pas jouer et ils passent leur temps à parler ! Beurk. 

Mais ce soir, moi aussi je vais être une ado. Ça fait peur. Je veux pas. 

Maman a organisé une petite fête pour moi. Enfin, petite... disons qu'elle a invité tout le quartier. À peine arrivés, monsieur et madame Deschênes on commencé à se faire des bisous dans le jacuzzi. Madame Claire est devenue vieille. Elle a fêté ses soixante ans hier, je crois. 

Mais pourquoi personne fait attention à moi ? C'est ma fête, non ? 

- Joyeux anniversaire ma petite Katia ! me lance tante Espérance avec un grand sourire. 

Elle est derrière moi avec oncle Tristan. Je lui fais un sourire pour lui faire croire que je suis contente de devenir grande, mais c'est pas vrai. Je veux pas devenir une ado nulle. 

Je souffle les bougies à contrecœur. Maman et papa sont même pas là.

Je pense que j'avais raison d'avoir peur. C'est quoi cette tête ? Je ressemble à Chewbacca ! 

- Oh, euh... salut Katia, me lance Audrey Laprairie en s'avançant vers moi. Sympa tes cheveux.

Elle se moque de moi ? 

- Euh... merci. 

Je connais pas trop cette fille ; ni les autres habitants de la ville, en fait. Tout ce que je sais, c'est que sa mère est morte il y a quelques années et qu'on est cousines.

Audrey sourit nerveusement et ajoute:

- Tu devrais passer à la boutique, il y a de jolies choses. J'aime beaucoup le dernier parfum de DiorSims. 

Je me rappelle soudainement qu'Audrey est caissière au magasin général. Comme Claire vieillit, elle a besoin d'aide pour faire rouler son commerce. 

Je vais me prendre un chocolat chaud dans la cuisine et je remarque avec surprise que mon frère a eu plus de chance que moi. Je suis maudite ou quoi ? L'école privée, puis ça !

- Regardez l'alien qui s'emmène ! me taquine Nicolas. Eh bah dis donc, ça a poussé !

- Alerte OVNI, alerte OVNI ! ajoute Dylan en rigolant. 

Ils pourraient pas être plus discrets ? Maintenant, tout le quartier va savoir que je suis l'extraterrestre de la famille Aubry. Génial. Tout ça parce que je suis née avec ces maudits cheveux roux !

Maman s'approche en dansant. Je pense qu'elle a un peu trop bu...

- Alors les d'jeunz, prêts pour une super nouvelle ? Votre maman elle est géniale. Elle a pensé au cadeau parfait !

- Un cinéma maison ? s'exclame Dylan, tout excité. 

- Mieux ! Une maison ! Sur l'Île Citron, au bord de la mer. Vous pourrez inviter tous vos amis pour faire la fête l'été prochain. 

Nicolas se lève d'un bond.

- Wah ! Merci m'man ! C'est trop cool ! 

Faire la fête ? Avec mes amis ? Quels amis ? Ça m'excite pas du tout, cette histoire. Elle aurait au moins pu me demander mon avis. 

Sans même attendre ma réaction, maman repars à l'extérieur pour se plonger dans le jacuzzi. Je pense qu'elle s'en fiche. Tout ce qu'elle veut, c'est bien paraître auprès des voisins.

Elle est tellement saoule qu'elle en oublie son bikini. En tout cas, ça plaît au directeur. D'ailleurs, pourquoi elle l'a invité, celui-là ? Je le vois déjà assez en cours...

Tristan et Aurélien en profitent bien pour se rincer l’œil. Heureusement que leurs femmes sont à l'intérieur. J'ai honte. 

Quand les invités partent enfin, j'enfile l'horrible truc rose prévu par ma mère et je soupire. Je pense que je vais devoir aller au magasin général pour arranger ça... 

- Joyeux anniversaire Katia, murmurais-je tristement. 

Fin du prologue

Chapitre I

Pas lu le prologue ? C'est ici. 

Et si vous êtes en feu, vous pouvez aussi lire toute la rubrique "À propos des familles".

Moins d'un an s'est écoulé depuis le dernier anniversaire des jumeaux. Nous sommes en juillet et les trois enfants Aubry viennent tout juste d'arriver sur l'Île Citron. En voyant le cadeau de leur mère, ils écarquillent les yeux. 

- C'est ça, la "maison" ?! m'exclamais-je, ahurie. Maman a déraillé... ce truc est immense ! 

- Je sens que ça va être dément ! s'exclame Dylan en levant les poings au ciel. Une semaine sans adultes avec tous les autres ados du quartier ! 

Je me mord les lèvres en imaginant le pire. Je déteste les gens ; mais les adolescents, c'est pire que des gens.

- Amanda devrait arriver bientôt, nous informe Nicolas en déposant sa valise. Oh, et sa sœur aussi. 

Je sors sur le balcon pour regarder la mer. C'est la première fois que je sors d'Orangeville. Quoi, comment ça vous me croyez pas ? Juré ! J'ai jamais rien vu d'aussi beau ! Et puis Orangeville, c'est un trou perdu... y'a six familles, pas plus, et un seul magasin. 

- T'as vu Nic', y'a même des platines de DJ, dit Dylan en me rejoignant à l'extérieur. M'man a assuré, elle a rien oublié ! 

- J'vais pouvoir mettre mes talents de musicien à l'oeuvre, répond-il avec un sourire sadique. Ça va danser ce soir ! 

Danser ? 

- Tu fais exprès ! geignis-je en faisant la moue. Tu sais que je déteste danser ! Et je connais personne... ! 

Sale frère, j'aurai ta peau !

Mais une heure plus tard, il n'y avait toujours personne. 

- Je sais ! C'était une blague ! Maman voulait me faire peur, c'est tout, dis-je avec un sourire victorieux. Ce manoir est rien que pour nous ! 

- Elle est pas drôle, ta blague, répond Dylan. J'veux pas être enfermé ici avec vous trois pendant une semaine. C'est pas que vous êtes nuls, mais...

- Sympa !

- Peut-être que le vol a été retardé, suggère Nicolas sans s'inquiéter davantage. Amanda m'a promis qu'elle viendrait. Je veux dire, je lui fais confiance et...

- Dis plutôt que c'est ta copine, merde ! Ça fait des mois que j'essaie de te le faire avouer ! 

Ces deux là arrêtent jamais de s'engueuler pour les trucs les plus ridicules du monde entier. Hier, c'était à propos de celui qui finirait la boîte de céréales. Ils l'ont déchirée en deux et c'est la bonne qui a été obligée de ramasser ça. De vrais idiots ! 

- Je suis un homme libre ! se défend-il. 

- Quoi, tu vas piquer toutes mes conquêtes de la semaine ?! Et Amanda, dans tout ça ?

- J'ai pas dit ça ! 

La porte s'ouvre en fracas et je sursaute - merde, ils arrivent vraiment ! 

- Attention attention ! s'exclame la fille. La plus belle est là ! Je répète, la plus belle est là !

Elle mime un micro avec ses mains et commence à faire du freestyle. Nicolas tape des mains pour l'encourager. Ça doit être Amanda. Franchement, elle est pire que lui ! Complètement cinglée !

- Et avec moi... la mini-moi, Kamélia !

Une blonde d'environ quatorze ans entre. Elle évite nos regards et sourit timidement - je pense qu'elle n'a pas envie d'être ici. Je compatis. Faut être fou pour venir de son plein gré ! 

- L'est pas jolie, ma mini sœur ? Hein ? Hein ? 

- Canon ! s'exclame Dylan. 

Nico se joint au freestyle d'Amanda et ils dansent ensemble. Et moi ? Euh, bah... je reste sur le canapé. Hors de question de me ridiculiser comme ça !

- Allez E.T ! On se bouge !

- Non merci, dis-je en croisant les bras. 

- Roh, allez ! 

Dylan n'attend pas une seconde de plus pour se jeter sur Kamélia. Je pense qu'il craque pour elle, je l'ai jamais vu agir comme ça. Pauvre fille. Dylan est pas le meilleur des partis ; il enchaîne les zéros à l'école et pense qu'à sortir en boîte. Si j'étais elle, j'éviterais. Il est sympa, mon jumeau, mais... 

Merde, je suis devenue pire que cette vieille entremetteuse qui traîne dans le quartier ! Depuis quand j'agis comme ça ? 

- Salut toi, moi c'est Dylan, mais tu peux m’appeler... euh... comme tu veux ! 

- Comme tu veux ? 

Kamélia rit. Sa voix est douce et cristalline, ça change de son hystérique de sœur qui chante comme un pied à côté. Elle m'énerve déjà, celle-là... 

- Oui, enfin... appelle-moi Dylan. 

- Enchantée Dylan, répond-elle en souriant. 

Je sens que ça va mal se finir, tout ça. Ça sent déjà la romance à plein nez. Laissez-moi deviner, je vais tenir la chandelle pendant toutes les vacances ? 

- À côté, c'est ma jumelle, Chewbacca. Fais pas attention à elle, elle fait toujours la gueule pour rien. Et si je te faisais une visite ? 

- Merci ! grommelais-je en le foudroyant du regard. J'ai un nom, tu sais !

Crétin !

La porte s'ouvre de nouveau. Encore ?! Mais on va être combien, cette semaine ?

- Salut la compagnie !

- Marc ! s'écrie Kamélia avec un grand sourire. Toi, ici ! 

Elle abandonne mon frère pour se ruer vers le nouveau venu. 

- J'avais peur d'être toute seule. Si tu savais comme je suis contente de te voir ! 

La déception de Dylan se sent à des kilomètres. Il regarde Marc avec jalousie, l'air de se demander qui est ce pauvre type en col roulé. Ça doit être l'un de nos cousins éloignés ? N'empêche, c'est bizarre de s'habiller comme ça l'été. 

- Kamélia ? insiste-t-il. La visite ? 

Mais elle est tellement absorbée par sa conversation qu'elle ne l'entend pas.

Dylan soupire. Je pense qu'il regrette d'avoir invité tout le monde. Eh bah tant pis pour lui, hein ! J'ai bien essayé de le faire changer d'idée, mais têtu comme il est... ! 

- Oh, c'est ma cousine rousse ! s'exclame un garçon aux cheveux blonds en entrant dans le salon. Depuis le temps que j'entend parler de toi ! En plus on a les mêmes yeux ! C'est trop cool !

Merde, quelqu'un me parle. En plus c'est mon cousin ? Depuis quand ? J'ai jamais vu ce type. 

- Nos mères sont sœurs, m'explique-t-il en s'assoyant à mes côtés. 

- J'ai une tante ? 

Maman m'a jamais dit qu'elle avait une sœur. Elle aurait menti... ? Oh, et puis après... ça m'étonne même pas d'elle. 

- Moi, c'est Benjamin. Benjamin Tulipe. 

Tulipe ? Ça explique tout. Je comprend mieux pourquoi maman parle plus à sa sœur. Les Tulipe ont mauvaise réputation. 

Enfin, il est bizarre ce Benjamin. Un peu trop hystérique à mon goût. Il pourrait pas arrêter de me parler ? 

- Salut les cousins ! s'exclame Audrey en entrant dans la pièce. Ça fait plaiz de tous vous voir au même endroit ! 

Sa petite sœur s'installe sur le canapé et soupire longuement. Elle ne partage pas l'enthousiasme de sa sœur aînée. Moi non plus, pour être honnête. 

Catherine a beaucoup changé depuis la dernière fois que je l'ai vue ; elle a maintenant deux piercings au visage et je ne vois pas l'ombre d'un sourire sur ses lèvres. Non pas que la connaisse beaucoup, mais elle est déjà venue à ma fête, une fois. C'est une fille sympa. 

Leur petit frère, Mathieu, se fait discret en arrière. Il doit avoir l'âge de Kamélia. 

Nicolas s'empare du micro.

- Ça y est, le compte est bon ? Tout le monde est là ? Un, deux, trois, quatre... 

- T'es naze Nico, t'allais oublier Adrien, c'est notre cousin quand même ! s'exclame Audrey. 

- Ah merde, c'est vrai. Celui-là... ce snob... 

Adrien, le fils de tante Espérance, apprécie peu notre famille et s'entend mieux avec Audrey, Catherine et Mathieu. Ils traînent souvent ensemble.

Les rares fois où j'ai eu affaire à lui, il était méprisant. 

- Merde, pourquoi t'as invité ce con ? s'emporte Dylan. Sérieux, Nico !